Dans la série Permanent Breakup, Ludovic Sauvage prélève des images dans de courtes boucles d’anime japonais qui illustrent les remix de chanson pop slowed & reverb misent en ligne sur Youtube. Ces détails quotidiens s’allient à la tonalité nostalgique et à la profondeur illusoire, car recréée de ces chansons. Ces images sont tramées, superposées puis imprimées dans le format original de la fenêtre de visionnage sur de la mousse de polystyrène rose dans des tons violacés, nuance proche des sirop codéinés, utilisés comme drogue pour ses effets relaxant, induisant un état de distanciation.
La série Small Rain emprunte la même typologie d’image à des sources internet plus larges, donnant l’impression de constituer un langage intrinsèque, autant personnel que universel. Ces images existent sous une multitude de formats, Ludovic Sauvage en choisit deux qui conserve leur état natif, passée en bichromie et tramée, imprimée sur bois, cette fois elle conditionne la dimension de la pièce qu’elles enveloppent. Les images ne se recoupent/superposent plus, mais apparaissent en cours de désentrelacement, dans un état brumeux où le récit n’est pas donné, entre une rencontre et un détachement, au seuil du mouvement, faisant ressortir l’idée de séquence autant dans les objets que dans les images fixes.
Dans l’exposition Boxes, l’image et son interface ne sont jamais dissociées l’une de l’autre, l’image se perçoit comme étant indissociable de son dispositif. L’échelle des images et l’épaisseur donnée aux modules rappelle de potentiels objets destinés à des usages communs, conçus autant pour stocker de la mémoire que là encore, des moment. Le principe de réalité sert à définir une épaisseur et une dimension physique donnée aux images qui, plutôt que de s’intégrer à un support, le matérialisent et deviennent son système de représentation, tout autant que son matériau, sa couleur, ses zones de creux et d’absorption. Une extension en tant qu’image-objet.
Le déplacement de ces images les insèrent dans un flottement, enfermées dans les matériaux même qui servent à contenir la mémoire où l’épaississement de ces moments participe d’une insinuation troublante de ces images dans notre mémoire. Les pièces de l’exposition Boxes déterminent une ambiance comme une suite de micro événements génériques, plus ou moins chargés de sens qui, malgré leur dimension anodine, peuvent avoir une incidence sur un continuum plus étendu. Des moments indéfinis pris dans le temps, dont il serait possible de soutirer une expérience rien qu’en les regardant.
Fiona Vilmer, octobre 2023