Ludovic Sauvage
Ludovic Sauvage

Late Show

Ludovic Sauvage, Late Show
Ludovic Sauvage, Late Show

Late Show

Certaines images passent, comme si on les percevait à travers la vitre d’une voiture ou d’un train en marche. Elles ont beau être précises, définies, elles ne s’étirent pas dans le temps. Elles n’en ont pas besoin. Ces images sont comme la météo, elle ne participe pas à l’intrigue, elle lui donne un contexte. Une ambiance. Le régime dans lequel elles évoluent est à la fois parfaitement reconnaissable et flou. Celui des plans de coupe, des décors de plateau, ou des arrière-plan publici- taires. Celui aussi des rêves et de l’inconscient avec qui elles opèrent un va-et-vient à la fois fluide et à contre temps. Ces images n’ont rien de réel. Si l’une d’entre elle se trouve isolée, elle renvoie à la totalité de leur existence à toute. C’est peut-être ici qu’elle se subliment, dans la fausse banalité de leur omniscience.

Permanent Breakup

Ludovic Sauvage, Permanent Breakup
Ludovic Sauvage, Permanent Breakup

Permanent Breakup

La série Permanent Breakup repose sur la répétition modulée d’un même pattern: un volume mural rose, aux formes géométriques verticales et épurées, abrite une intériorité faite d’images et de vides. Par son titre, cette géométrie se colore d’une thématique sentimentale: le spectre d’une rupture devenue «permanente», avec le ressassement à la fois addictif et maniaque dans lequel ce type d’évènement intime peut plonger. Mais comme ce fut aussi le cas pour d’autres expositions, comme Soft Power, ou encore Vivid Angst and Colorful Doubts, les titres de Ludovic Sauvage sont tout autant des stratégies de diversion qu’une façon d’inoculer un sentiment diffus, d’amorcer la construction d’un espace fictionnel potentiel pour les formes faussement inertes qu’il nous donne à voir.

Pour réaliser cette série de pièces, Ludovic Sauvage est parti d’un ensemble d’images reliées à la vague musicale internet du slowed and reverb, des morceaux ralentis et dilatés agrémentés de reverb qui ont pour ambition de donner une profondeur ou une «épaisseur» mélancolique à certains morceaux hyper-formatés de la pop mainstream. Cette mode qui a connu son plein essor durant le confinement chez des milliers d’adolescent.es retranché.es derrière leurs écrans, témoigne de la maniabilité qu’offre internet pour réadapter les produits culturels à un climat psychique générationnel: à un premier formatage, on en ajoute un second, cette fois «personnalisé». Tels qu’on les trouve sur youtube, ces morceaux remixés sont quasi systématiquement illustrés par une courte séquence d’animation diffusée en boucle d’un manga japonais. En dessous de la fenêtre youtube, dont la taille a déterminé le format des pièces présentées dans l’exposition, la myriade de commentaires se fait témoin de l’aspect addictif et hypnotique de ces morceaux écoutés en boucle jusqu’à induire les auditeur.ice.s dans une sorte de transe nostalgique artificielle.Ludovic Sauvage a bâti son corpus d’images à partir de stills, captures d’écrans de ces animations illustrant ces remix «codéïnés». Décontextualisées une seconde fois et encore un peu plus éloignées de leur source narrative, les images ont été tramées et fondues deux à deux pour générer une troisième image, ensuite imprimée sur une plaque de polystyrène rose, un matériau employé comme couche d’isolation dans les maisons. Chaque module en bois qui compose la série héberge autant qu’il absorbe une ou plusieurs de ces images «doubles»: des scènes en cadrages serrés, plus ou moins nettes, où apparaissent divers objets quotidiens, des couchers de soleil, des appareils technologiques légèrement obsolètes, - téléphones à touches, lecteurs cassettes, télévisions cathodiques. Des fragments de corps, des mains surtout, mais aussi des pieds, signalent la présence résiduelle de personnages, mais tout point d’identification frontal a été évacué. Ces images suggèrent à la fois l’idée d’un hors-champ et d’un point de vue morcelé et relié à des fantômes d’un inconscient collectif auquel elles pourraient s’intégrer.L’artiste met à l’épreuve ces images, qu’il décrit comme «orphelines», «déraillées de leur récit», qui servaient d’arrière-plan à une divagation introspective en les réinscrivant dans un nouveau contexte. Il le fait en leur donnant un ancrage physique ambigu: à la fois insérées et comme verrouillées dans un espace optimisé évoquant le boitier d’un écran et réactualisées, remises en mouvement, soumises à une syntaxe nouvelle qui accentue leur aspect fragmentaire, parcellaire, fragile. Fondues dans le support poreux de cette mousse isolante qui semble les «transpirer», les images apparaissent, ici comme dans la plupart de ses autres travaux, saisies sur un seuil, à la fois évanescentes et opaques, matériellement tangibles et transparente, comme dans un effet de déjà-vu. Les deux tonalités de rose choisies pour chaque objet viennent créer l’effet visuel d’une note qui se répète, se concentre et se dilate: les volumes monochromes sont peints d’un rose pâle sur lequel se reflètent des jeux d’ombres tandis que l’image imprimée est traitée par un rose dense, violacé, évoquant la couleur du «purple lean», une drogue très prisée des adolescent.es composée à partir de sirop codéïné contre la toux. Sensée procurer un sentiment de bien être par un flottement de la conscience, elle est aussi décrite comme induisant «un sentiment menteur», - à une époque où notre mémoire et notre structure affective sont façonnées d’implants artificiels, formatées par un storytelling vampirisant notre moi «profond», la démarcation entre les «vrais» et les «faux» sentiments semble pourtant loin d’être aussi tranchée.Il n’est pas question ici de construire un inventaire, un display, ou un simple contenant approprié à la monstration des images, mais bien de créer un objet unitaire, qui complexifie la distinction de l’image et du support. Cette problématique picturale assez classique (figure/fond, contenant/contenu) est, dans ce travail de Ludovic Sauvage, réactualisée afin de révéler la façon dont nous sommes entraîné.es à saisir et consommer les images en même temps que les dispositifs qui nous les transmettent: la partie du volume creux qui se dévoile en-dessous de l’image faisant penser au défilement vertical de la fenêtre d’un écran.Mais ces modules peuvent aussi être interprétés comme des reprises fantomatiques, «soft», et méta-fictionnelles du langage minimaliste. On peut ici penser à la «confusion fonctionnelle (1)» que génèrent des sculptures comme celles de Richard Artschwager. Chez Artschwager, déjà, ainsi que l’écrit Valérie Mavridorakis, des «méta-objets» en trompe-l’œil, «réfutent l’utopie sociale que leur conférait leur usage avéré et l’illusion de la pureté minimaliste». Dans Permanent Breakup, un nouveau tour pourrait être donné à cette reprise puisque le point de départ devient l’objet minimaliste tel qu’il a été absorbé dans le langage de l’aménagement domestique, puis délayé dans l’esthétique de la corporate society avant, finalement de revenir dans le champ de l’art. Ce va et vient contribue à l’aspect indéterminé des objets que construit Ludovic Sauvage depuis quelques années, objets qui sont tout autant des dispositifs d’images, des mise en situation du regard et de la subjectivité. Malgré une symétrie subtilement inquiétante, une logique affective s’immisce ici, quelque chose de moins distancié que dans ses précédentes pièces, quelque chose aussi de plus étrangement cinématographique, fait de répétitions et de ruptures (cuts) mêlées.Comme dans la vague du slowed and reverb, mais aussi dans une version plus underground, celle de la vapor wave, ces méthodes de remixages et de recombinaisons de sons rejoignent une esthétique contemporaine et communautaire du «liminal» à laquelle Ludovic Sauvage cherche aussi à sa façon à donner forme. Cette esthétique fascinée par la mélancolie que génèrent les halls, couloirs ou encore les centres commerciaux vides, tous les contenants stériles que le capitalisme conçoit pour des flux optimisés, promeut l’idée que l’on pourrait mentalement plonger dans les surfaces de notre hyper-réalité pour y trouver des interstices dissimulés dans lesquels errer à l’infini. Mais l’œuvre pourrait plus encore faire écho à la manière dont Mark Fisher, dans The Weird and the Eary aborde le liminal contemporain comme une réadaptation de l’unheimlich freudien, l’associant à l’effet déstabilisant qui découle d’un «échec de la présence» (failure of presence). Désormais, les lieux ou les objets conçus pour le renouveau incessant de la productivité deviennent de nouvelles scènes d’apparition de spectres. Permanent Breakup donne une certaine «profondeur» à cet échec de la présence, créant un espace dans lequel viennent se projeter nos «fantômes de fictions (2)».

Clara Guislain

  1. Valérie Mavridorakis, «Se saisir d’une table basse comme d’une sculpture. Littéralité et simulacre chez Richard Artschwager», dans «Ce que vous voyez est ce que vous voyez». Tautologie et littéralité dans l’art contemporain, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009.

  2. Douglas Crimp, «The Photographic activity of postmodernism», October, n°15, hiver 1980.

The Golden Fang

Ludovic Sauvage, Untitled (Dusk), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec
Untitled (Dusk), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec
Ludovic Sauvage, Untitled (Dusk), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec
Untitled (Dusk), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec
Ludovic Sauvage, Night drive (Front), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec
Night drive (Front), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec
Ludovic Sauvage, Night drive (Back), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec
Night drive (Back), vue de l’exposition collective The Golden Fang, Pauline Perplexe, Arceuil, 2022 © Photo Valerian Goalec

The Golden Fang

The Golden Fang est l’occurrence réelle d’un scénario maintes fois remanié. Les humeurs changent, les décors bougent et parfois des immeubles remplacent les parkings. Chaque pièce est une version retravaillée à partir du corpus de chaque artiste, laissant en suspens l’état habituellement figé de l’œuvre.

Chez Pauline Perplexe, les formes qui nous entourent ont comme absorbé un vocabulaire existant tandis que leurs désirs se sont substitués à de possibles comportements sous-jacents. Chacune d’entre elles a déjà été exposée sous un aspect ou dans un contexte différent. Et si l’on cherche les gestes qui ont précédé ces adaptations, aucun ne s’est réellement dissous, par enchâssements ils en contiennent d’autres. Dans ces effets de rythmes, ces formes semblent s’être langui dans des états élastiques où les émotions et les humeurs se sont négociées comme de la matière.

Des pensées s’agglomèrent et saturent l’espace. Pliées et façonnées comme des éléments de décor, ces formes sont dissociées. Brouiller la texture qu’elles sécrètent reviendrait à rêver leur propre fatigue, ou à faire émerger une matière malléable à partir de laquelle un espace autoréflexif peut opérer. Dans ces mouvements d’introspections, les interrogations sur les motifs, les discours et les pouvoirs qui agissent dans notre relation au monde collent aux formes, mais par étirement, c’est aussi sur leurs propres mécanismes qu’elles cogitent. Chez Pauline Perplexe, elles investissent autant une spéculation de leur image et de leur matériaux, que ce qu’elles projettent du réel. Et quelque part cela implique une échappatoire, une attitude de prolongement comme une manière de se déplacer.

Dans le roman Inherent Vice de Thomas Pynchon (2009) et de nouveau dans son adaptation au cinéma par Paul Thomas Anderson (2014), The Golden Fang* est autant d’occurrences ou de représentations qui se rapportent à un nom: une goélette, un cabinet de dentiste, un cartel, un institut de réhabilitation, une organisation (discrète) de l’establishment. Ses contours flous et son système nébuleux changent de rôles, à l’image du capitalisme tardif créant les besoins autant qu’il pallie à leurs manques.

Fiona Vilmer, 2022

* Le Croc d’Or

Soft Power

Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Soft Power, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2022 © Photo Salim Santa Lucia

Soft Power

Lors de Corporate Poetry, une exposition de son travail à la Villa du Parc, Ludovic Sauvage présentait des monolithes noirs comportant, sur les parties supérieures, des images imprimées sur des miroirs. Cette présentation amplifiait le pouvoir d’évocation de ces représentations prélevées dans des pages publicitaires de magazines, leurs velléités à produire du désir pour les produits qu’elles vantent. Mais leurs intentions n’étaient là pas clairement exprimées, car dans cette installation pas de slogan, pas de texte, pas d’explication pour guider vers quelque achat que ce soit. Ainsi présentées, dans cet environnement aussi mystérieux que fascinant, ces images exhalaient les rêves dans lesquels les publicitaires nimbent les produits. L’exposition donnait littéralement à voir la poésie d’entreprise, celle qui chante les louanges de la production.

Soft Power prolonge cette volonté de donner corps aux fantasmagories capitalistes. Cette fois-ci encore, Ludovic Sauvage fabrique des objets mais, si certains comportent des images, c’est bien plus leurs formes qui évoquent des imaginaires de la vie de bureau. Géométriques, beaucoup sont ornées de lamelles pouvant être des tiroirs, des colonnes ou des pales. Meeting Point (Low), Meeting Point (Medium) et Meeting Point (High) sont trois parallélépipèdes rectangles, accrochés à des hauteurs différentes. Ces formes, blanches écrues dont certaines parties encadrées de vert sont traversées de bandes roses, évoquent différentes fonctions selon leurs formes et leurs dispositions. Telles sculptures ressemblent peut-être à un module de rangement, tandis que d’autres peuvent évoquer un radiateur ou un distributeur on ne sait de quoi.
Ludovic Sauvage utilise des matériaux de construction, du bois, du medium et
 du polystyrène extrudé qu’il assemble d’une façon précise et brute, créant des maquettes à échelle 1 ou des prototypes d’objets. On ne peut les confondre avec ces machines inventées pour développer l’économie, pour être plus efficace ou pour optimiser les conditions de travail mais on y perçoit le langage de ces objets. En cela ce sont des images puisqu’on peut y reconnaître des choses que pourtant elles ne sont pas. Ce sont des représentations de ces accessoires indispensables aux bureaux productifs, faits pour consommer ou travailler plus, voire les deux en même temps.

Sauvage donne ainsi forme à ce qu’est le capitalisme, pas en tant que régime économique mais comme déploiement d’un imaginaire d’efficacité froide et rationnelle associé aux idéalisations promises à l’issue du processus de production ou de consommation.
 Sauvage élabore ses sculptures à partir de ce double vocabulaire. Évocations de dispositifs rationnels, leurs titres au contraire expriment des rêveries personnelles et incarnées. Ils mentionnent des cartes postales, des points de rencontres, des bavardages ou des appels privés, associant ces formes à des moments de liberté pas complètement, ou pas encore, encadrés par la rentabilité. Ces sculptures contiennent ainsi tout le paradoxe de l’antagonisme entre ce qui est personnel
et ce qui est programmé. Cela est également perceptible dans la seule image montrée par l’artiste dans cette exposition. Provenant d’un magazine d’architecture il en a fait un poster accroché, non sans hasard, dans le bureau de la galerie. Elle aussi représente des surfaces chatoyantes et attirantes que l’on sait pourtant être des pièges associant plaisir et asservissement.

François Aubart, 2022

Corporate Poetry

Ludovic Sauvage, Vue de l’installation Corporate Poetry, Villa du Parc, Annemasse, 2020 © Photo Aurélien Mole
Vue de l’installation Corporate Poetry, Villa du Parc, Annemasse, 2020 © Photo Aurélien Mole

Corporate Poetry

Ludovic Sauvage pratique l’appropriation d’images aussi prometteuses que stéréotypées de paysages idylliques et de produits ou situations de rêve ayant circulé dans les mass medias au siècle dernier. Il éprouve leur résistance physique et rétinienne à l’heure de la dématérialisation numérique et de l’épuisement iconique des utopies.

Souvent récupérées dans des magazines datés, ces images, vouées à la vie brève de l’usage publicitaire et requérant une consommation immédiate, sont sauvées de l’oubli par le geste de collecte qu’opère en iconographe Ludovic Sauvage. Dans ses installations, il offre aux images de nouvelles perspectives, en sondant leur épaisseur matérielle, et en intensifiant les réactions du support par différentes manipulations introspectives. Affiches découpées en lamelles, diapositives projetées jusqu’à l’épuisement du film, impressions sur miroirs rendant les images spectrales permettent de révéler la condition organique du matériau – fragilité, durabilité, évanescence, etc., au-delà des signes d’apparat de la représentation, mirage qui s’est en partie évanoui. Dans cet entre-deux où signifié et signifiant sont remis à plans égaux, ces images artificielles et mercantiles basculent dans l’onirisme et l’ambivalence. Les dispositifs lumineux et sculpturaux qui les accueillent contribuent par leur étrangeté au décalage perceptif, et à la difficulté de se situer temporellement face à ces représentations.

Ludovic Sauvage présente dans la véranda de la Villa du Parc une nouvelle installation de plusieurs éléments, quatre petits modules noirs dans lesquels s’incorporent des détails d’images à la surface de miroirs noircis, composant une mystérieuse narration décorative. Intitulée «Corporate Poetry», l’installation fait subtilement écho aux particularités de cet espace d’accueil et de vitrine, ouvert sur l’extérieur et dont la vitre teintée filtre la lumière.

Garance Chabert, 2020

Vivid Angst & Colorful Doubts

Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Vivid Angst & Colorful Doubts, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2020 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Vivid Angst & Colorful Doubts, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2020 © Photo Salim Santa Lucia
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Vivid Angst & Colorful Doubts, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2020 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Vivid Angst & Colorful Doubts, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2020 © Photo Salim Santa Lucia
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Vivid Angst & Colorful Doubts, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2020 © Photo Salim Santa Lucia
Vue de l’exposition personnelle Vivid Angst & Colorful Doubts, Galerie Valeria Cetraro, Paris, 2020 © Photo Salim Santa Lucia

Vivid Angst & Colorful Doubts

On entre avec Vivid Angst and Colorful Doubts à la lisière d’un espace domestique, celui des salles de bains et des salons au confort standardisé, avec leurs étagères aux parois coulissantes, leurs plantes d’intérieur et leurs surfaces réfléchissantes… Un espace ici devenu ambigu, à la fois familier et étrange, peuplé d’effets de «déjà vu» et de dédoublements faisant vaciller l’expérience du temps présent.

Insidieusement, le trouble s’installe par la disposition et les ensembles que forment les œuvres, fonctionnant par deux ou par quatre, entre semblances et dissemblances, fixées aux murs ou posées au sol selon des jeux de symétrie et de répétition. Il s’agit là de structures en médium hydrofuge et en Polystyrène extrudé évoquant du mobilier préfabriqué, à la surface desquelles des images sont imprimées sur des miroirs ou des carreaux de céramique. Ces dernières représentent notamment des gammes de luminaires (Foam), des mains exécutant des gestes du quotidien (Stream), mais également des plantes exotiques dont on retrouve un «exemplaire» réel dans l’espace de la galerie. Autant d’images issues d’une publication sur l’aménagement intérieur des années 1960 (L’Art ménager), recadrées, teintées en bleu ou en rose, pour certaines tirées en négatif, de manière à ce que leurs contenus archétypaux soient simultanément reconnaissables et indéterminés, telles des réminiscences incertaines et fulgurantes. Une légère atmosphère de film d’angoisse se fait sentir, comme si ces images étaient «imprimées sur une autre carte possible que le monde physique»(1), située sur le seuil de deux espace-temps. S’en approcher serait alors comme rejouer la scène d’une comédie horrifique ayant inspiré Ludovic Sauvage (House de Steve Miner-1985), au cours de laquelle le personnage principal introduit sa main dans la pharmacie de sa salle de bain pour se retrouver dans les profondeurs de ses souvenirs. Ce qui affleure ici, c’est donc un «espace retourné» – comme le suggère l’usage de matériaux constituant les couches invisibles de nos pièces d’eau (MDF, Polystyrène,…) –; une «carte psychique»(2) assimilable à un «inconscient optique»(3) appartenant à une mémoire individuelle aussi bien que collective.

Dans la lignée de ses précédents travaux, l’artiste nous fait éprouver une sorte d’«ontologie plate»(4), où le réel et son double existent sur le même plan, l’expérience n’étant jamais «pure» mais toujours déjà mêlée de représentations. Continuellement traversé de remémorations, le présent ne coïncide plus à lui-même dans ses œuvres. Ainsi, à travers leurs redoublements et leurs enchâssements avec des objets réels, les images-volumes de cette exposition se chargent d’une temporalité complexe, faite d’anachronies et de survivances induisant des sensations de suspension et de flottement. Sensations auxquelles répondent les images de brumes violacées qui composent la série intitulée Lean, du nom d’une substance codéinée connue pour ralentir la perception et pour son influence sur le cloud rap. Une impression de ralentissement encore accentuée par la bande-son qui accompagne l’exposition, conçue à partir d’un morceau de Pino Donnagio pour Body Double (Brian de Palma, 1984), un film aux allures de série b où il est également question de doubles et de faux-semblants. Soumise à un procédé de reverse, consistant à diffuser des musiques à l’envers et à en décélérer les fréquences, cette partition au lyrisme de bluette prend ici d’étranges échos. Entrelacée à des nappes de sons suburbains et nocturnes, une voix semble se réverbérer à l’infini, produisant des effets d’aspiration et de distanciation comme si le temps était pris à rebours, circulant selon des lignes échappant à toute contemporanéité. Soit une forme de désynchronisation où se signale une temporalité de hantise, une faille spatio-temporelle stratifiée d’images-fantômes aussi déréalisante que vertigineuse.

Sarah Ihler-Meyer, 2020

  1. Propos issu d’un entretien avec l’artiste.

  2. Ibidem

  3. Cette expression est empruntée à Walter Benjamin. Elle désigne quelque chose qui se loge au cœur de la vision tout en s’y dérobant

  4. L’«ontologie plate» désigne un courant philosophique notamment développé par Tristan Garcia et Manuel De Landa. Elle s’oppose à une conception hiérarchique des choses et présuppose «une égale dignité ontologique à tout ce qui est individé» (Tristan Garcia, Formes et objets. Un traité des choses, 2011).

Daytime TV

Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Ludovic Sauvage, Stream (Warm), vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Stream (Warm), vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Ludovic Sauvage, Soap A, vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Soap A, vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Ludovic Sauvage, Lean A, B, C & D, vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Lean A, B, C & D, vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Ludovic Sauvage, Lean D & B, vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Lean D & B, vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Ludovic Sauvage, Stream (Light), vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Stream (Light), vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Ludovic Sauvage, Cover (Shade Creek), vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Cover (Shade Creek), vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet
Vue de l’exposition personnelle Daytime TV, Les Bains-douches, Alençon, 2019 © Photo Sophie Vinet

Daytime TV

Oedipa resta plantée au milieu du living-room, sous l’œil verdâtre et froid de la télévision, elle invoqua en vain le nom du Seigneur, et essaya de se sentir aussi soûle que possible. Cela ne marcha pas.
Thomas Pynchon, Vente à la criée du lot 49.

S’installer dans les images comme dans un espace à revers où figures spectrales et gestes esquisseraient la possibilité d’un contre monde. Il s’agirait de renverser l’espace, provoquer un vertige, insinuer le flottement d’une réalité inversée. De fait, l’espace et le temps traversent l’image dans l’œuvre de Ludovic Sauvage et induisent le point de départ de formes éclatées. Daytime TV serait comme une intrigue, faite d’alcôves cachées sous le réel, d’absences et de présences dont la matière aurait été disséminée ici et là. Vers un espace sensible et codifié où chaque surface reflète autant qu’elle absorbe, et où chaque élément rejoue sa propre révélation.

Une mise en abyme que l’on pourrait rapprocher ici de ce que certains critiques ont nommé la « métafiction » comme genre littéraire (1). Dans son extension postmoderne, la fiction au delà de sa stratégie d’autoréférence (2), de pastiche et de citations aux genres antérieurs (3) se déploie comme réflecteur de ce qui structure notre relation au monde. Elle tente ainsi par l’absurdité de son scénario de paradoxalement happer la texture du réel. Au cours de ces mêmes années 1970-1980, ce goût pour l’appropriation archétypale s’inscrit comme la marque de fabrique des artistes de la Pictures Generation dont l’un des vecteurs critique vise exhumer le simulacre propre aux mass media. Mais ce sont les artistes des années 1990, qui s’inséreront dans le processus fictionnel pour l’étendre à l’écrin d’exposition, pensé comme espace transitionnel (4), soudain prêt à exalter la réalité. Comme pour la littérature, la fiction en tant qu’outil met au jour les degrés de manœuvre de notre rapport au réel. Ce sont ces juxtapositions formelles qui génèrent cependant une porosité entre l’illusoire et le réel, intensifient ce qui affleure et relaient une proximité au monde. Mais qu’en serait-il d’une métafiction qui passerait du genre littéraire aux formes concrètes, appliquée au matériaux du réel ?

C’est peut-être à partir de cette intuition que Ludovic Sauvage conceptualise avec le temps une pratique de l’installation où les images prennent formes par leur déconstruction dans l’environnement. Chaque geste les autonomisent et opère un glissement de temporalité, alors qu’elles deviennent tour à tour moment, objet ou pure surface. De la métafiction il ne s’agit plus tant de pasticher que d’habiter les images. S’il extrait une batterie de motifs stéréotypés, arrachés à leur contexte, c’est pour en générer une matière malléable et les extrapoler vers de nouvelles situations jusqu’à dilater l’ambiance d’un monde ponctué d’incohérences dont chaque forme semble flirter avec le réel et y conférer un goût plus proche. Le geste injecte dès lors aux images une présence formelle envoûtante des plus insaisissables, les situant comme à contre temps.

Daytime TV, n’échappe pas à ce processus d’appropriation où désormais le simulacre est étiré à la limite de l’abstraction. Ludovic Sauvage y infiltre l’image à ceci près qu’il délaisse ici une utilisation frontale de la lumière pour un détour par l’objet. Outre les images, ce sont des fragments de mobilier qui se répandent dans l’espace d’exposition. Juchées sur des modules en bois hydrofuge – lointain clin d’œil à la fonction d’origine des Bains-Douches – les surfaces ne sont plus des plans fixes mais transitoires dont les images s’incarnent sur des miroirs-écrans.

Au sol, les miroirs imprimés pourraient illustrer à la manière de chapitres des manipulations domestiques non sans être teintées d’une charmante étrangeté, et dont le toucher de velours bleu demeure intangible. Insérées sur des modules, systématiquement décalées de leurs structures, ces œuvres entrevoient un dévoilement de l’image, tels un tiroir d’ombre concrète laissant échapper un réel parfois silencieux, à peine dissimulé. Au mur, ce sont des spectres cotonneux qui nuancent et alourdissent l’atmosphère d’une buée violacée et s’impriment en dégradé sur des miroirs coulissants. Seulement ici, les miroirs n’ont plus vocation à agrandir l’espace mais simulent de le brouiller, d’ores et déjà dans une étape intermédiaire. Les surfaces bleues encastrées et perforées ; motif-outil récurrent dans l’œuvre de l’artiste ; projettent une partie manquante, celle de l’image évanouie, elle ne renvoie plus que celle de l’espace inversé dans lequel il faut s’abandonner et plonger. C’est à nous de nous laisser aspirer, de nous installer dans l’obscurité du hors champ. Si bien que l’image disparue réapparaît ailleurs, éclairant un autre intérieur, au revers d’une veste suspendue. 

Aux Bains-Douches, Ludovic Sauvage matérialise une boucle perceptive qui suggère la réalité autant qu’elle l’égard : une sorte d’ellipse temporelle se substituant à la linéarité du temps. Chaque forme s’émancipe en même temps qu’elle participe de l’ensemble expositionnel. Les miroirs n’ont de cesse de mettre l’écran du réel en abyme, de le traverser et de nous en entourer. Si le sens initial de l’image se dilue c’est au profit d’un nouveau réceptacle – Boucle éternelle. Dorénavant incarnées dans le miroir, les images nous feraient douter de l’objectivité de ce dernier, non plus destiné à refléter ce que l’on ne peut percevoir mais transfigurant sa présence en instrument d’autorévélation (5) de ce qui nous échappe.

Fiona Vilmer, 2019

  1. Notamment américaine, dont on été répertoriés entre autres : Thomas Pynchon, Robert Coover William H.Gass.

  2. GASS, William H, Fiction and the Figures of Life, New York, Knopf, 1970. Gass fait l’état d’un genre littéraire de fiction qui procède à la mise en abyme et à la critique de son genre au sein du récit même afin d’afficher un discours second.

  3. WAUGH, Patricia, The Theory and Practice of Self-Conscious Fiction, Londres/New York, Methuen, 1984.

  4. FROGIER Larys, « Dominique Gonzalez-Foerster, Pierre Huyghe, Philippe Parreno », Critique d’art 13,  Printemps 1999.

  5. DANTO, Arthur, La transfiguration du banal: une philosophie de l’art,  Paris, Ed. du Seuil, 1989. p.41

Vampire Blues

Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Vampire Blues, Sessions, Marseille, 2018 © Photo Ludovic Sauvage
Vue de l’exposition personnelle Vampire Blues, Sessions, Marseille, 2018 © Photo Ludovic Sauvage
Vampire Blues, 9’20, HD, 2018 © Ludovic Sauvage

Vampire Blues

Ludovic Sauvage développe une réflexion sur l’image et ses différents modes d’apparitions, d’existences et de monstrations. Puisant dans une archive personnelle constituée au fil du temps, l’artiste s’approprie des images - fixes ou animées, anciennes ou contemporaines, d’origines et de registres différents- qu’il manipule, détourne et modèle selon différents procédés mécaniques et chimiques. Il n’a de cesse d’en explorer les possibilités et d’en éprouver les limites à travers une pluralité de supports et de formats qui se déploient dans des configurations variées.

Emblématique de ses expérimentations, Vampire Blues (2018) est une projection vidéo conçue spécifiquement pour l’exposition. Des formes, abstraites ou figuratives, apparaissent et disparaissent, se mêlent et se démêlent, procédant les unes des autres selon un flux dynamique et continu. A la manière d’un organisme vivant, la surface devient malléable et sensible. Immobiles, animées d’oscillations ou de vibrations tenues, ces compositions, toujours changeantes sans cesse mouvantes, continuent de se réinventer, cultivant l’ambiguïté pour ne jamais dévoiler leur mystère. Suspendues entre le temps et l’espace, ces visions hypnotiques, images subliminales ou réminiscences, impriment la rétine de leur prégnante fascination et de leur intense vibration. Dans la pénombre, tels des veilleurs en station, des sources lumineuses surgissent. Flottantes, ces sphères recouvertes de soies aux motifs colorées semblent autant extraites des plans du film que de l’espace lui-même. En écho, une bande sonore composée de bruits blancs recouverts par intermittence d’un accord, extrait d’une chanson des Beach Boys, ralenti à l’extrême, baigne l’espace de son grondement persistant.

Sessions, 2018

Mindless Pleasures

Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou
Vue de l’exposition personnelle Mindless Pleasures, Galerie Escougnou Cetraro, Paris, 2018 © Photo Edouard Escougnou

Mindless Pleasures

Apparitions et disparitions de formes opaques et miroitantes, images allusives et elliptiques, enveloppées d’une lumière rouge-orangée… Il s’agit avec «Mindless Pleasures» de se laisser séduire par le jeu des apparences, dans leurs présence et absence simultanées, à la fois sensuelles et insensées. Défi d’un réel qui se donne et se retire dans un même mouvement, la séduction qui opère ici rejoint la notion d’aura, l’une et l’autre ayant trait à une substance phénoménale insaisissable, celle des êtres et des choses. Une aura suscitée par ce qui en signerait prétendument la fin, à savoir les copies de copies d’un monde saturé de signes, évidé de sa substance pour cause de surreprésentation.

Ce monde sans aura, c’est bien entendu celui de la «reproductibilité technique» défini par Walter Benjamin, bouleversant la perception des œuvres d’art et plus largement les conditions de l’expérience humaine. Qu’est-ce que l’aura? Cet effet de présence de l’œuvre d’art, fondé sur son caractère unique et inséparable du «lieu où elle se trouve», de fait liquidé par la reproduction photographique. Une liquidation qui pèserait selon Benjamin non seulement sur les œuvres d’art, mais aussi sur tout phénomène dépossédé «de son unicité au moyen d’une réception par sa reproduction» (1). L’auteur allemand préfigure ainsi un monde inauratique, celui où «tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation (2)», celui de «la substitution au réel des signes du réel» (3). Les artistes de la Pictures Generation s’en feront l’écho au cours des années 1970-80, reproduisant à l’identique des œuvres d’art ou des images issues des mass media, évacuant ainsi volontairement de leurs productions toute forme d’unicité, d’originalité et d’authenticité.

C’est à la suite de cette génération que s’inscrit le travail de Ludovic Sauvage, non pas pour en contester la pertinence mais pour en déplacer l’horizon: là où la confusion du réel et de sa représentation était souvent synonyme d’aliénation et de déréalisation, elle est chez lui une manière d’habiter le monde, la seule expérience qui en soit en vérité possible. Il ne s’agit donc pas de renouer avec les notions d’originalité, d’unicité et d’authenticité, mais de retrouver de la présence à même les représentations, de l’immédiateté au cœur des médiations. Or, si la «présence ne s’efface pas devant le vide, [mais] devant un redoublement de présence qui efface l’opposition de la présence et de l’absence» (4), c’est-à-dire d’une sur-visibilité qui manque la part d’ombre du réel, alors l’opération consistera à restituer les choses à leur insaisissabilité.

Une opération qui revient chez l’artiste à découper, coller, superposer et juxtaposer des images extraites de sa collection de photos et de diapositives anonymes, archétypales et stéréotypées dans leurs sujets aussi bien que leurs cadrages. Plusieurs types d’images se retrouvent ici, dont des couchés de soleil, «clichés» s’il en est, vus et revus au point d’en virtualiser l’expérience réelle. Imprimés sur des tissus, découpés en bandes verticales cousues entre elles de manière à constituer des lés de rideaux ajourés, ils sont ici transformés en images fragmentaires, restituant le battement du visible, à la fois matériel et immatériel. Au bas de ces «rideaux», posées au sol, se trouvent des images de lavabos et de luminaires imprimées sur des miroirs jaunes, à la fois floues et réfléchissantes, se donnant à voir tout en se retirant. Un jeu de clair-obscur que l’on retrouve dans les diapos d’une source d’eau, projetées à l’arrière de miroirs fixé surs des trépieds métalliques, irisées de tâches bleues provoquées par réaction chimique. Situées à différents niveaux du regard, ces pièces induisent ainsi un cheminement optique, des allées et venues ponctuées de zones d’ombre et d’éclats lumineux. Une sorte de cinétisme, celui-là même du vivant, également évoqué par l’image d’une voiture coupée en deux parties, basculées à la verticale et imprimées sur des miroirs. Nous circulons ici parmi des pièces toujours doubles sinon quadruples (quatre rideaux, deux diapos d’un même cours d’eau,…), leur caractère multiple étant encore accentué par leur distribution symétrique dans les deux salles de la galerie. De l’une à l’autre, les effets de miroirs et de dédoublements augmentent, tandis que l’on entend doucement crépité un feu de cheminée, en réalité une vidéo trouvée sur Internet et projetée à l’arrière d’un miroir au fond de la galerie. Si cette vidéo n’a qu’une occurrence, elle est néanmoins d’ores et déjà double, simulacre d’un phénomène ici rendu volatil par la translucidité  de son support et la surimpression d’une image du lit d’une rivière.

Couchers de soleil, cours d’eau, automobiles,… autant d’images éculées, matérialisées et spatialisées par Ludovic Sauvage comme pour provoquer une «petite étincelle de hasard, d’ici et maintenant, grâce à quoi la réalité a pour ainsi dire brûlé de part en part le caractère d’image» (5). Pourtant, il s’agit moins pour l’artiste de réincarner des souvenirs dont les différentes archives utilisées seraient la trace, que de créer une situation nouvelle, une expérience sans origine, toujours déjà entremêlé  de représentations. Enveloppés d’une lumière rouge artificielle, le tout et les parties de «Mindless Pleasures» sont ainsi les vecteurs d’une présence paradoxale, à la fois proche et lointaine, performative et mnémonique. C’est aussi ce que l’on appelle «aura», qui ne s’oppose plus ici à la «représentation» mais se joue au contraire dans ses creux et ses plis. Un entrelacs de temps et d’espaces, à la fois réels et imaginaires.

Sarah Ihler Meyer, 2018

  1. Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Allia, Paris, 2003. 


  2. Guy Debord, La Société du spectacle, Gallimard, Paris, 1996.


  3. Jean Baudrillard, Simulacres et simulation, Galilée, Paris, 1981.


  4. Jean Baudrillard, Les Stratégies fatales, Grasset, Paris, 1983.


  5. Walter Benjamin, Petite histoire de la photographie, Paris 1983.

Deux Déserts

Ludovic Sauvage, Capture d’écran, Deux Déserts, 26’30, HD, 2015 © Ludovic Sauvage
Capture d’écran, Deux Déserts, 26’30, HD, 2015 © Ludovic Sauvage
Ludovic Sauvage, Deux Déserts, 26’30, HD, vue de l’exposition Paysages Sublimés, CAC Chanot, Clamart, 2016 © Photo Ludovic Sauvage
Deux Déserts, 26’30, HD, vue de l’exposition Paysages Sublimés, CAC Chanot, Clamart, 2016 © Photo Ludovic Sauvage
Ludovic Sauvage, Deux Déserts (Partition), vue de l’exposition MP Fantastik, L’assaut de la Menuiserie, Saint Etienne, 2015 © Photo Ludovic Sauvage
Deux Déserts (Partition), vue de l’exposition MP Fantastik, L’assaut de la Menuiserie, Saint Etienne, 2015 © Photo Ludovic Sauvage

Contre-jour

Ludovic Sauvage, Contre-jour, diaporama, vue de l’exposition Window Shopping, Le coeur, Paris, 2016 © Photo Ludovic Sauvage
Contre-jour, diaporama, vue de l’exposition Window Shopping, Le coeur, Paris, 2016 © Photo Ludovic Sauvage
Ludovic Sauvage, Contre-jour, diaporama, 2016 © Ludovic Sauvage
Contre-jour, diaporama, 2016 © Ludovic Sauvage
Ludovic Sauvage, Contre-jour, diaporama, 2016 © Ludovic Sauvage
Contre-jour, diaporama, 2016 © Ludovic Sauvage

Terrasse

Ludovic Sauvage, Shores, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais
Shores, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais
Ludovic Sauvage, Terrasse, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais
Terrasse, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais
Ludovic Sauvage, Cathédrales, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais
Cathédrales, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais
Ludovic Sauvage, Vers L’ouest, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais
Vers L’ouest, vue de l’exposition personnelle Terrasse, Glassbox, Paris, 2015 © Photo Antoine Chesnais

Terrasse

Terrasse est une question de point de vue, de placement dans un panorama. Sont présentés dans l’espace de Glassbox, quatre superpositions, effectuées sur des clichés récupérés d’une autre vie. Si la notion de souvenir perdure, elle devient générique. Les images sont bien visibles mais tendent à s’émanciper de leur origines.

Les quatre gestes mis en espace à Glassbox sont tous doubles: projection lumineuse, dispositif vidéo ou impressions sur papier. Ils superposent différentes vues afin de confronter, mélanger ou faire disparaître les paysages qu’elles contiennent, ouvrant ainsi plusieurs perspective simultané aux spectateurs.

Plein Soleil

Ludovic Sauvage, Plein Soleil, vue de l’exposition personnelle Le soleil se meut toujours, Parc Floral de Vincennes, Paris, 2015 © Photo Ludovic Sauvage
Plein Soleil, vue de l’exposition personnelle Le soleil se meut toujours, Parc Floral de Vincennes, Paris, 2015 © Photo Ludovic Sauvage
Ludovic Sauvage, Plein Soleil, Diaporama, 2015 © Ludovic Sauvage
Plein Soleil, Diaporama, 2015 © Ludovic Sauvage

Plein Soleil, ou les paysages perforés par un ciel de plomb de Ludovic Sauvage

Ce titre aux allures cinématographiques allie savamment le visuel et l’olfactif. Plein Soleil. C’est une chaleur étouffante; des sensations douces et enveloppantes, un flot d’énergie saturée. C’est une lumière éblouissante; un paysage devenu flottant dont les contours se dissolvent dans l’atmosphère. C’est le jeu visuel que la persistance rétinienne suscite: après avoir fixé trop longtemps le soleil, son spectre perdure dans le champ de vision et vient s’imprimer sur le décor alentour. Tout disparaît, puis réapparaît.

C’est ce phénomène optique qu’évoque au premier abord la dernière pièce de Ludovic Sauvage. Par un acte simple, armé d’une poinçonneuse, il ôte aux paysages imprimés sur une série de diapositives le centre de leur image. La projection successive de ces décors amputés a un effet hypnotique, comme s’il passait en revue nos souvenirs d’expéditions estivales que la mémoire a morcelés avec le temps, pour n’en garder qu’une image synthétique, archétypale: le maquis, la garrigue, la pinède.

Ce lot de diapositives est le leg d’un particulier que l’artiste a récupéré. Prises de vues personnelles donc, d’un parcours dans le sud de la France où se retrouvent pêle-mêle des lieux typiques et anonymes. Le geste imprimé, ou plutôt supprimé que Ludovic Sauvage vient appliquer joue de ces contradictions: entre subjectivité et collectivité du paysage, le poinçon fait à la fois office de cache et de révélateur.

Le résultat n’est étonnamment pas narratif, mais bel et bien mémoriel. La démarche intime du preneur de vues produit, hors contexte, des images qui participent de l’imaginaire collectif, devenant autant de supports propices aux projections à nouveau personnelles du regardeur. La boucle est bouclée. Le procédé fonctionne à merveille. L’œil cherche à reconstituer la partie manquante, à reconnaître le lieu, jeu à multiples facettes que l’artiste qualifie lui même de «blind test pour les fins connaisseurs de la Provence», dont il fait partie.

A-t-il secrètement gardé les chutes? Envisage-t-il une version déclinée, qui reprendrait le principe relativement proche de sa précédente pièce, Plateau, où le négatif apparaît à son tour, par l’alternance de la forme et de la contre forme?

Du Memory au puzzle, l’enfance est sans nul doute convoquée ici, ne serait-ce que par ce souvenir indéniablement commun: une feuille de papier dans une main, une poinçonneuse dans l’autre frénétiquement actionnée dans un geste jubilatoire, plaisir accentué par la vue de ce tas de confettis qui grossit. Et dont la vaine finalité n’a absolument aucune importance.

L’orifice obtenu laisse ainsi filtrer la lumière directe du projecteur qui vient s’imprimer sur le mur, révélant des aspérités qui s’ajoutent aux poussières accumulées sur les diapos, que l’artiste a tenu à préserver. Il devient ainsi difficile d’identifier si les nombreux bruits visuels sont sur le mur ou sur l’image, accentuant la fusion des deux éléments du dispositif. Cette présence parasite entre alors en résonnance avec l’objet dont la pellicule a été éprouvée, laissant apparaître des traces d’usure. L’image plane gagne en épaisseur et en matière, ce qui vient souligner la picturalité des paysages reproduits. Quelque chose semble palpable face à cet écran qui n’est pourtant que lumière.

Les multiples paradoxes offerts par cette pièce participent sans nul doute au trouble et à la réjouissance du spectateur.

Si l’usage de la diapositive peut recéler une connotation vintage aujourd’hui galvaudée, le parti pris n’est pas d’explorer cette dimension esthétique là mais d’amorcer un retour vers l’image existante, parcours anachronique dans la démarche de Ludovic Sauvage qui a plutôt coutume de travailler à partir de fichiers et de logiciels numériques, où le support est dématérialisé. Ainsi assume-t-il cette appropriation nouvelle de l’ancien comme participant d’un retour aux sources de ses aspirations.

La mécanique du procédé de projection, rythmé par le mouvement circulaire et saccadé du carrousel, fait aussi référence à une autre fascination récurrente dans sa pratique: le cercle, plus précisément encore lorsqu’il s’anime dans un mouvement d’ellipse.

Laborantin des logiciels 3D, Ludovic Sauvage utilise l’ellipse dans ses travaux plus anciens, notamment par le biais de montages vidéos où ce sont tour à tour la lumière et la caméra qui effectuent un mouvement rotatif autour d’un point fixe, espace architectural (L’appartement, 2011; This must be the place, 2014) ou paysage naturel (About Shangri-la, 2010) dont il déplie les reliefs mouvants induits par ces changements de luminosité ou de point de vue, sorte de quête face à l’impermanence du réel qu’il tenterait infiniment de saisir. La figure géométrique du cercle s’impose ainsi plus comme un outil que comme un motif qu’il déclinerait, tournant autour du visible, arpentant les limites du plein et du vide.

L’ombre et la lumière tiennent eux aussi un rôle de premier ordre, chorégraphie qu’il manie avec soin pour faire jaillir les images qui l’habitent, comme lorsqu’il s’amuse à exploiter les particularités du store vénitien, dont les impressions striées ont marqué son imaginaire. Cet objet qu’il transforme en surface (Week end à Rome, 2013) ou qu’il utilise comme support (Plateau – Store, 2014), participe des formes qu’il a faites siennes, constituant un répertoire visuel mobile et cohérent dont les multiples échos n’ont semble-t-il pas encore fini de résonner.

Noémie Monier, 2015

This Must Be The Place

Ludovic Sauvage, Vue de l’exposition personnelle This Must Be The Place, Campus HEC Paris, Jouy-en-josas, 2014 © Photo Ludovic Sauvage
Vue de l’exposition personnelle This Must Be The Place, Campus HEC Paris, Jouy-en-josas, 2014 © Photo Ludovic Sauvage

Des images, des palmiers et de la lumière

Un ensemble de dix cadres, pouvant se lire comme cinq diptyques, témoigne en préambule du travail de découpage et de montage que l’on retrouvera dans la suite du dispositif. Entre collages et projection vidéo, Ludovic Sauvage met en espace les archives du campus. Cette problématique formelle du passage entre le bidimensionnel et le tridimensionnel est récurrente dans son travail: elle intervient ici suivant des modalités très diverses.

Dans la projection sur affiche, elle est traitée sous l’angle de la répétition. L’artiste utilise le procédé classique de la mise en abyme — il inclut dans une photographie d’archives son propre duplicata réduit, qui lui-même contient son homothétie rétrécie, et cela indéfiniment — tout en tirant l’ensemble vers l’avant par le recours à l’animation. La photographie se mue alors en une sorte de travelling quasi psychédélique qui emporte le regard vers le fond de l’image.

Le miracle tient au fait qu’elle se dote d’une profondeur. La séquence d’animation se promène toujours plus loin, au plus profond de ce qui pourtant n’est qu’une surface. L’astuce, c’est que Ludovic Sauvage parvient à créer l’illusion du déplacement sans pour autant renoncer à l’unicité de la photographie d’archives qu’il a utilisée: nulle autre vue, aucun autre élément que cette seule image ne compose le travelling, s’éloignant à l’infini à l’intérieur de son unique surface. On pense au mandala et à son mouvement immobile vers le dedans.

Ce paradoxe — qui met en scène une image tournant sur elle-même — ainsi que sa coloration formelle à la fois cinétique et psychédélique inscrivent la pièce dans l’héritage seventies, en mêlant réflexivité, méditation et transe. L’ensemble se voit rationalisé par la rigidité moderniste d’une architecture post-Corbusier. C’est à dessein que ces deux moments de l’histoire de l’art se rencontrent. Dans l’image fixe, Ludovic Sauvage n’inocule point de récit: par l’évocation de ces deux époques, il ouvre une béance temporelle propre à la narration. Véritable image dialectique, le sens de l’évènement se tient dans la rencontre de temps hétérogènes plutôt que dans un déroulé linéaire. C’est cette collision qui ouvre
à la mise en récit. On retrouve ce passage de la vue photographique fixe à la séquence animée dans l’autre projection de l’installation. Cette fois, il s’agit d’une photographie de l’hôtel Valbièvre, tirée elle aussi des archives du campus et datant des années soixante-dix. Projetée sur un mur en béton brut, elle est animée par l’adjonction d’ombres fictives autour du bâtiment.

D’abord objets figés — photographie d’archives et plantes de bureaux, le dispositif les tire vers une prise de consistance temporelle: les ombres modélisées en 3D qui courent autour du bâtiment dessinent un nouveau jour à chaque nouvelle boucle, le temps s’écoule à la vitesse du vent et rien ne se passe.

En fait, l’image ne s’inscrit que partiellement dans le temps: quelque chose se déroule, mais rien ne change jamais. Tandis que dans la première animation, on parcourt un espace immobile,
ici on assiste à la projection dans le temps d’un objet figé. La vue photographique fait état d’un hôtel de prestige. Ce bâtiment, à condition de se décaler légèrement, se tient en face des fenêtres de l’exposition, mais il a disparu, coffré sous les traits d’un nouvel hôtel, aux lignes plus neutres. Douze cache-pots aux formes modernistes, identiques à celles de l’hôtel mais construits dans le matériau qui habille les murs de l’exposition, font le lien entre le passé et le présent du campus.

Les plantes, caractéristiques de l’ameublement de bureau, installent l’œuvre dans le formalisme du lieu qui l’accueille.

Coincée entre image-icône et image-mouvement, la vue de l’hôtel Valbièvre montre un état à part entière dans le processus architectural, celui du projet. La vie ne peut pas rentrer à ce stade. Une rédemption narrative se fait pourtant jour: si le récit n’advient ni dans le déroulé des images ni dans l’alignement des palmiers, une histoire édifiante et mystérieuse reste pourtant palpable, involuée dans les décalages temporels des fragments qui la composent et dans le halo de la lampe de salon qui tranche avec le décorum standardisé du reste de l’installation. Les Talking Heads nous le répètent: This Must Be The Place.

Clémence Agnez, 2014

Zombies

Ludovic Sauvage, Zombies, Installation, Lycée François Villon, Paris, 2012 © Photo Antoine Chesnais
Zombies, Installation, Lycée François Villon, Paris, 2012 © Photo Antoine Chesnais